Lettre ouverte d’ESS France à Michel Barnier
Le 31 octobre, Benoît Hamon, Président d’ESS France, Fatima Bellaredj, Secrétaire générale d’ESS France, Eric Chenut, Président de la Mutualité Française, Claire Thoury, Présidente du Mouvement Associatif, Jérôme Saddier, Président de Coop FR, Marion Lelouvier, Présidente du Centre Français des Fonds et Fondations, Yves Pellicier, en tant que représentant de l’Association des Assureurs Mutualistes, Julia Faure, Co-Présidente du Mouvement Impact France, Pascal Demurger, Co-Président du Mouvement Impact France, Hugues Vidor, Président de l’UDES, ont envoyer une lettre ouverte à Michel Barnier, le Premier Ministre français.
En réaction au projet de loi de finance, dont les perspectives sont inquiétantes pour les structures sociales et solidaires,
ces représentants souhaitent ainsi interpeller le Premier Ministre sur des enjeux urgents et cruciaux pour ce secteur. Dans un contexte marqué par des défis économiques, sociaux et environnementaux pressants, ils et elles souhaitent que le gouvernement reconnaisse et renforce l’apport de l’ESS dans l’économie nationale et ses capacités à répondre aux besoins sociaux.
Cette lettre met en lumière les contributions majeures de l’ESS, telles que le soutien à l’emploi, le renforcement de la cohésion sociale et la promotion d’un modèle économique durable, qui diffère de l’approche traditionnelle par sa visée de long terme et son engagement pour le bien commun. Les signataires appellent à un soutien accru pour pérenniser et amplifier ces initiatives, demandant des mesures précises : renforcement des subventions, facilitation des financements, et ajustements réglementaires pour encourager l’innovation sociale.
Ils plaident également pour une reconnaissance formelle de l’ESS dans les politiques publiques, de manière à lui offrir les moyens de se développer au service des transitions écologique et solidaire, deux priorités dans le cadre des engagements climatiques de la France.
Les acteurs de l’ESS jouant un rôle prépondérant sur les questions de démocratisation de l’économie et des organisations, nous nous associons sans réserve au message courageusement porté par ces personnalités.
Monsieur le Premier Ministre,
Nous représentons toutes les familles de l’économie sociale et solidaire, et nous tenons à nous adresser à vous, collectivement. Ce mode d’entreprendre est reconnu par la loi depuis 10 ans et il associe non-lucrativité et démocratie dans plus de 200 000 entreprises qui salarient 2,5 millions de personnes.
Nous sommes les représentants de la coopération, des assureurs et organismes mutualistes, des fondations et fonds de dotation, des associations et des entreprises sociales.
Cela, vous le savez déjà. Aussi nous voulons nous concentrer sur l’essentiel. L’examen de votre projet de loi de Finances fait supporter un coût disproportionné aux acteurs de l’ESS. L’UDES, l’union des employeurs de l’ESS évalue à 186 000, le nombre d’emplois menacés dans l’ESS si votre projet de budget était appliqué en l’état.
Nos entreprises assurent aux côtés d’un service public fragile, le premier kilomètre de l’intérêt général, singulièrement dans les territoires où les Français ont le sentiment qu’ils ne bénéficient plus d’un accès suffisant à la santé, à la protection sociale, à l’emploi, à l’éducation ou à la mobilité. Ce sentiment de déclassement nourrit le ressentiment et la colère.
Nous innovons, déployons des solutions, créons, protégeons, soignons, alimentons, accompagnons les vulnérabilités, ouvrons les loisirs, luttons sans relâche contre le déclassement et la pauvreté en prévenant ou réparant les désordres du Monde et les prédations exercées par un modèle économique dominant qui a longtemps ignoré l’équilibre et la fragilité des écosystèmes humains et naturels.
Nos entreprises sont démocratiques et constituent autant d’anticorps contre le désenchantement démocratique qui affecte les tours comme les bourgs et précipite nos compatriotes vers des extrêmes politiques dans lesquels le lien social se disloque, la responsabilité d’autrui disparait, la xénophobie et l’individualisme l’emportent.
Nous intervenons en proximité, maître-mot des cahiers de doléance alimentés par le Grand Débat national en 2019 auxquels vous souhaitez donner suite. Derrière chaque emploi de l’ESS, vous trouverez mille et un liens sociaux qui unissent. Cette étoffe est fragile et votre budget prend le risque de la déchirer de 5 manières :
La baisse des crédits publics dans le domaine de l’aide internationale, de l’emploi, du travail, mais aussi des solidarités, du sport ou de la culture auront un impact considérable sur nos activités. Les transferts de 1,1 milliard de dépenses de santé de l’assurance maladie vers les acteurs mutualistes qui protègent la santé des Français affecteront aussi le pouvoir d’achat de nos concitoyens. À cela s’ajoute, la baisse des concours aux collectivité locales qui sera immanquablement répercutée sur les acteurs de l’ESS qui, d’un côté, ont recours aux subventions ou aux marchés publics et, de l’autre côté, par le mécénat et la philanthropie sont sollicités encore davantage quand les financements publics se réduisent comme peau de chagrin. La réduction de 25% de la ligne ESS du BOP 305 qui finance l’écosystème local permettant l’éclosion ou le passage à l’échelle des entreprises de l’ESS va instantanément diminuer la voilure de l’innovation sociale dans les territoires. En ce sens, la menace répétée d’une instabilité fiscale sur les incitations au don ou au mécénat porte le risque d’assécher la générosité des Français (particuliers comme entreprises de toutes tailles) qui financent la solidarité.
Ce sont cinq lames qui vont avoir un coût social immédiat sous la forme de milliers de suppression d’emplois à forte valeur ajoutée sociale, mais aussi un coût social différé à travers la croissance des désordres économiques, écologiques, démocratiques et sociaux que vont produire la disparition de nos crèches, EHPAD associatifs, fondatifs et mutualistes, nos ressourceries ou épiceries solidaires, nos AMAP ou clubs de sport amateur, nos radios associatives ou établissements culturels, nos colonies de vacances ou banques alimentaires.
Vous avez compris l’importance de l’ESS en lui consacrant un portefeuille complet dans votre gouvernement. Nous avons salué votre décision. Aussi, nous vous demandons de soutenir la contribution sans équivalent de l’ESS à l’intérêt général en prenant en compte les amendements soutenus sur tous les bancs du Parlement qui restaurent les ressources affectées aux actions des acteurs de l’ESS.
Nous sommes à votre disposition, monsieur le Premier ministre, pour examiner avec vous les moyens de prendre soin de cette économie qui performe et fait du bien à la fois et prêts à travailler avec vous à la mouture finale du texte que vous proposerez à la nation.
Veuillez agréer, Monsieur le Premier ministre, l’expression de notre haute considération.
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