« Sociales, solidaires, et écologiques ? Tensions et convergences des organisations de l’ESS » – 11ème édition des journées GESS
Description
« Dans la lignée des précédentes éditions des Journées GESS, nous vous convions à présenter et discuter des travaux de recherche portant sur la Gestion des Entreprises Sociales et Solidaires. L’édition de 2024 sera conjointement portée par deux établissements universitaires de l’Est Parisien, l’UPEC et l’Université Gustave Eiffel, au sein du laboratoire de recherche l’Institut de Recherche en Gestion. Ces 11èmes journées se proposent de questionner l’engagement dans les transitions écologiques des organisations de l’économie sociale et solidaire.
Le développement du secteur de l’économie sociale et solidaire depuis les années 1980 peut être analysé à travers trois périodes distinctes (Sibille, 2022). La première, met l’accent sur l’économie sociale en se focalisant sur le statut juridique des sociétés de personnes et une gouvernance démocratique dissociée du capital. La seconde, survenue dans les années 1990 / 2000, se caractérise par l’émergence de l’économie solidaire, mettant en lumière la solidarité envers les exclus, les pays du Sud et les générations futures. La troisième période, située dans les années 2010, se concentre sur l’entrepreneuriat social, mettant en avant l’acte d’entreprendre, le rôle de l’entrepreneur et l’innovation sociale. La Loi de 2014 encourage l’engagement des organisations de l’économie sociale et solidaire (OESS) dans une démarche d’amélioration continue de leurs actions, notamment sur l’évaluation de leur impact environnemental.
Comment les OESS parviennent elles à répondre à ces multiples injonctions économiques, sociales, solidaires et écologiques ?
Cette question pourra être abordée sous différents angles dont nous proposons ici trois axes de réflexion :
1- Compatibilité des principes ESS et des pratiques des OESS en faveur des transitions
Dans quelle mesure les principes directeurs de l’ESS (non lucrativité, ancrage territorial, gouvernance démocratique, mission sociale, intérêt collectif, coopération territoriale entre autres) ou le caractère hybride des OESS (Battilana et Dorado, 2010 ; Battilana et Lee 2014) sont-ils des facilitateurs ou des obstacles à la mise en œuvre de pratiques limitant l’impact de leurs activités sur l’environnement[1]. En outre, quels seraient les outils, dispositifs, méthodes de gestion, innovations sociales à développer pour y parvenir ? Quelles sont les solutions issues de l’ESS déjà engagées susceptibles d’être des sources d’inspiration ? Faut-il et peut-on en mesurer les impacts ? Dans quelle mesure sont-elles légitimes auprès des pouvoirs publics ou des citoyens ?
2- Urgence de la situation écologique et moyens contraints des OESS
Par ailleurs, les alertes des scientifiques du GIEC amènent à s’interroger sur l’accélération des transformations. Dans cette perspective, les secteurs de l’ESS, ses réseaux ou ses organisations, ont-ils les moyens de cette accélération, est-ce réalisable compte tenu de leurs missions, leurs activités, leurs publics et leurs modes de fonctionnement multi-acteurs ? Les singularités des OESS liées à leurs missions sociales et solidaires leur permettent-elles de développer des capacités stratégiques dans le domaine de la transition écologique et énergétique ? En d’autres termes, comment appréhender les capacités stratégiques des OESS et leur capacité d’alternative (Parker, 2017) dans le domaine de ces transitions ?
L’ADEME a tracé quatre scenarii (S) de transitions pour atteindre la neutralité carbone en 2050 (S1- Génération frugale ; S2-Coopérations territoriales ; S3-Technologies vertes ; S4-Pari réparateur)[2]. Dans quelle mesure et à quelles conditions, les OESS peuvent-elles contribuer à concrétiser ces scenarii ? A priori, les logiques semblent compatibles sur certains aspects comme la coopération, la réparation, mais comment concilier transition écologique et inclusion des plus précaires ? Quelles sont les OESS concernées ou volontaires pour y contribuer ? Quels outils de gestion (ont-elles déployés ? Avec quels effets ?).
3- Changements de paradigmes et/ou adaptation des lunettes théoriques
L’ensemble de ces questions d’actualité sur les transitions écologiques entrent en écho avec les travaux en gestion inscrits dans des approches critiques (Grey et al., 2016), sur la capacité de penser de nouveaux modèles de gouvernance, de travail, de financement ou d’échanges (Béji-Bécheur, Vidaillet et Hildwein, 2021), l’adaptation des dispositifs (Gilbert et Raulet-Croset, 2021) ou outils de gestion responsables face aux enjeux climatiques. A cet égard, quels sont les cadres institutionnels de référence pour l’action ? Le développement durable est-il devenu obsolète ? La décarbonation et la sobriété sont-ils les nouveaux guides pour l’action ?
Avec quelles lunettes théoriques étudier ces questions ? L’approche par les communs (Ostrom, 1990 ; Eynaud et Carvalho de França Filho, 2019) semble offrir un paradigme pertinent pour penser l’implication des OESS dans des préoccupations d’intérêt général comme celles liées à l’environnement. Or, si certaines coopératives (Maignan et Karmouni, 2022) sont en phase avec ce paradigme et ces principes d’autres sont davantage orientées vers la réussite d’un projet entrepreuneurial (Draperi, 2016, p. 5) : cette grille d’analyse théorique est-elle pertinente pour penser l’ensemble des initiatives accompagnant les transitions menées par les acteurs des mouvements de l’ESS ? Comment faire évoluer le concept d’organisation alternative (Dorion, 2017 ; Parker, 2023) dans un contexte de nécessaire accompagnement des transitions ? Pourquoi et comment la pensée féministe (Dorion, 2020) ouvre-t-elle des perspectives utiles pour repenser les cadres de la gestion et répondre aux défis des transitions écologiques et sociales ? Comment renouveler les principes démocratiques (Frenkiel et El Karmouni, 2023) face aux tentations de gouvernement autoritaire des conduites pour accélérer les changements nécessaires ?
En quoi une mobilisation critique du modèle d’affaires permet-il de penser les nouveaux modes de création de valeurs au sens de l’ESS ? Comment appréhender le concept d’impact social et environnemental (Kleszczowski et Raulet‐Croset, 2022) sans tomber dans un mimétisme des outils développés par les entreprises capitalistes ?
Enfin, quelle créativité s’autoriser en termes de méthodes de recherche (par exemple science-fiction, recherche participative) ou de pédagogie et de contenus d’enseignement de la gestion ? «
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